État des lieux

Non-violence

Partout en Europe, de plus en plus de citoyens de tous âges et de tous horizons s’engagent dans des actions collectives pour relever les grands défis du XXIème siècle : défis économiques, écologiques, politiques, sociaux…  A leurs côtés, nous mettons un point d’honneur à nous référer à la non-violence comme principe fédérateur qui guide notre rapport au monde, à la fois celui dans lequel nous vivons mais aussi celui que nous espérons voir advenir.

La non-violence, c’est se positionner face à la violence en y apportant des alternatives afin qu’elle n’apparaisse plus comme une fatalité mais  un choix et que ceux qui l’emploient en soient conscients. La non-violence c’est repenser notre rapport au Monde, aux autres, à soi, dans l’action autant qu’au quotidien. C’est aussi faire un choix stratégique ouvertement politique. Comme le dit Jean-Marie Muller, “si vous ne croyez pas en la  non-violence, adoptez la par stratégie”.

La non-violence, c’est aussi ce qui donne sens à des actions aux visages pourtant multiples : les pieds de biche des acteurs du Droit au Logement logent un nombre incalculable de familles là où les services publics sont impuissants, les faucheurs volontaires d’OGM parviennent à faire pression sur l’Etat pour mettre en place un moratoire nous protégeant du MON810, les Indignés créent une force collective de moins en moins contournable en occupant par exemple La Défense à Paris, les anti-nucléaires alerte l’opinion publique sur les dangers de cette énergie en occupant des centrales et en empêchant la progression des trains de déchets contaminés…

En Inde, la marche Janadesh, a permis en 2007 de gagner des droits civiques* et l’attention du grand public ; la construction « sauvage » d’écoles met les élus au pied du mur dans la région de Dehli et fait concrètement avancer l’éducation des plus pauvres ; etc (annexe 7.3).

La non-violence, c’est enfin une porte que nous laissons ouverte pour nous enrichir. A la fois héritage et première pierre des mouvements non-violents, nous nous inscrivons  autant l’Histoire que nous la construisons. Ainsi nous sommes des acteurs du présent, qui tiennent compte de ce qui a été engagé comme force et dynamisme pour le projeter dans les actions que nous menons aujourd’hui pour demain.

Le projet de l’Archipel des non-violences

Le projet de l’Archipel, conformément à l’objet de l’association Food Path, veut contribuer à approfondir et élargir la portée culturelle, sociale et démocratique de ces nouveaux engagements, dans la diversité de leurs références et de leurs pratiques. Il s’agira donc de confronter ce qui se fait en France comme en Inde afin de percevoir comment l’un peut enrichir l’autre et réciproquement. Il se veut dans ce sens un lieu de rencontres des engagements citoyens, ainsi que d’échanges de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être dans l’idée d’expérimenter cette notion innovante et nécessaire des “vivre-ensemble*”.
Il se pense aussi comme une recherche d’alternatives aux violences institutionnelles et quotidiennes que génèrent notre société: passages de lois sans vote du Parlement, renforcement des inégalités de richesse, surexploitation des ressources naturelles malgré le Grenelle de l’environnement, préférence de la logique de marché au détriment des travailleurs et de leurs productions, agricoles comme industrielles… Face à ce constat, la non-violence apparaît comme un enjeu majeur du moment. En effet, elle représente un éclairage original pour apporter des pistes de réflexion et d’élaboration pour, ensemble, faire société.

Dans ce contexte, nos expériences au Nord nous amènent à questionner cette démarche comme mode de vie et comme pratiques de défiance politique. Ce sont ces expériences qui motivent aujourd’hui nos envies de se confronter aux réalités du Sud, en supposant que c’est par la non-violence que nous dépasserons les schémas actuels de domination pour un meilleur partage, une répartition plus solidaire. Elles seront l’occasion de décoloniser nos imaginaires et de revisiter la notion de frontières grâce aux échanges humains et à la transmission des savoirs.

Pourquoi l’Inde ?

En ce sens, l’Inde nous apparaît comme la destination appropriée à nos expérimentations démocratiques. Issue d’une histoire imprégnée de luttes, cas d’école de la Révolution Verte, elle est le territoire de réalités pourtant violentes : suicides de paysans, expropriations, exodes vers des bidonvilles urbains, système de castes, … C’est dans ce contexte qu’ont émergées de nombreuses luttes dont Janadesh. Elle a été révélatrice d’une volonté populaire d’accès aux droits civiques* et à la dignité humaine. En 2012, suite à un manque de solutions politiques concrètes, les paysans sans terre, soutenus par Ekta Parishad, reprennent la route pour leurs droits.

Ekta Parishad (« forum de l’unité » en hindi) est un mouvement populaire Indien fondé sur le principe d’action non-violente telle que définit par Gandhi. Il vise à faire préserver les biens communs par ses plus proches acteurs, en particulier la terre, l’eau et la forêt. Ekta Parishad est une fédération d’une trentaine d’organisations coordonnées mais également un mouvement de masse traversant une grande part du sous-continent Indien. C’est Ekta Parishad qui est à l’origine en 2007 de Janadesh, la marche qui regroupa 25.000 paysans sans terre entre Gwalior et Delhi.

Au même moment, au Nord, nous observons des dérives similaires sur les plans politique et agricole : productivisme, OGM (organismes génétiquement modifiés), oligarchie financière, « crise de la dette » (c’est-à-dire la prise en otages des peuples européens par la logique des marchés financiers), conflits d’intérêts et d’usages des sols sans que les citoyens n’aient de prise sur les solutions ou les alternatives à ces situations. Forts de ces constats, nous partons avec l’envie de répondre à cette question: est-ce que et en quoi la non-violence peut-elle être un moyen d’expression et d’action efficace pour des revendications démocratiques et la conquête de droits civiques, dans le respect de l’Homme et de son milieu ?