ouvriers – L'Archipel des Non-Violences https://archipel.foodpath.eu Confronter nos représentations des non-violences, en particulier sur l'alimentation et l'accès à la terre Tue, 30 Jun 2015 12:41:34 +0000 en-US hourly 1 https://wordpress.org/?v=4.7.19 Tomato Souss https://archipel.foodpath.eu/2013/10/30/tomato-souss/ Wed, 30 Oct 2013 19:30:55 +0000 http://archipel.foodpath.eu/?p=714

The taxis sea, in Inezgane

We are in the Souss region, in the south of Morroco. Casablanca is 5 hours driving north, Marrakech, 3 hours driving north-east. Welcome to Agadir ! A touristic city with its beach of fine sand, its royal ranches and golf courses. This is exactly what our taxi driver rushes to sell us, using a French tongue that he prefers to Arabic, since he has Berber origins. He presents his region with a dangerous naivety, ensuring that there is no lack of water. It only rains an average of 20mm per month, and all of the rivers that we cross, on this day of June, are totally dry.

The city extends its suburbs for several kilometers because of the economic development of the last 20 years. On the road of the agricultural plain, small trucks full of vegetables (turnips, beets, carrots, …) are crossing each other and walls protecting the crops hide the skyline. Sometimes greenhouses appear, sometimes just their metal skeleton dressed with tattered plastic pieces.

Arriving at the Plain

This agricultural plain is located between two rivers, Oued Souss on the North and Oued Massa on the South, along the ancient caravans’ path which were going up to the Rif mountains from Mauritania, and not so far from the commercial port of Agadir. So it is not surprising that this place was chosen to harvest vegatables for exportation : water capabilities, transport facilities … and plenty of workers. Cheap when the labor is Moroccan, and even less when it is from Sub-Saharan countries, especially from Senegal.

In the heart of the plain, Ait Amira, a far-west town built along a road where farmworkers and food are carried (human beings are carried in the same conditions as vegetables, accidents are common and often very critical). A town without cultural roots : nothing is Moroccan here, in this suburb without neither the common bread oven nor the hammam, that are constitutive of the urban units of life in any town’s district.

A street of Sidi Bibi, a village near Ait Amira
Two little girls in the streets of Ait Amira
Ait Amira

Hamid Mhandi

We find Hamid Mhandi, a union representative, in a café along the road. From the terrace we are looking at this strange city’s life. Women are rare in the streets. At a first sight, we should think that they’re staying at home, as usual. But here Hamid explains to us that they are at work, and they are hired more easily than men : they are hard workers, and they do not complain about the conditions of work, the labor hardships, or the wages… In fact Hamid’s wife had found a job before himself when they had arrived around 2003. This is totally shaking up Moroccan habits, which are Hamid’s habits too.

Hamid Mhandi at Ait Amira FNSA's HQ

Sitting around a nouss-nouss coffee, he tells us his story : the appalling working conditions in the greenhouses and how he joined a union… Before going forward in more political issues, he brings us to his union’s local HQ, the FNSA (National Federation of the Agricultural Sector). It’s a single level house made of raw concrete transformed into an office, the rooms are almost empty and echo with the sound of our voices. We sit on garden plastic chairs as we listen to Hamid’s foresight on workers’ conditions.

Conditions and Workers’ Struggles

Here we do not speak about peasants anymore, but about agricultural workers. Indeed Hamid’s story looks like class struggles in the mining industries in northen France or England, whereas the Moroccan society is traditionally and implicitly organized in social casts. Here, uprooted workers coming from all over Morocco (and Africa) do not get back the structural patterns they are familiar with. Without those benchmarks, they replace the traditional caste system for a social class system that recreates their lives and communities. Here it is poor workers against agricultural companies, particularly European and North American.

This class struggle allows Morrocan and Senegalese workers to overcome the gap between their nationalities and to claim altogether equality and improved working conditions. Since the 2004 new working laws in Morocco, the minimum wage is MAD 87 (€8.5) a day for 44 hours a week. However, the agricultural sector is an exception with its minimum wage of MAD 60 (€5.5) for 48 hours a week. In addition to these inequalities between legal workers, the arrival of undocumented workers lowers the legal wages. Today, wages can decrease to MAD 40 (€3.6) without any written working contract. Instead of being a source of xenophobia, this leads unions to want to join all companies, especially those that employ undocumented workers. Therefore, FNSA is fighting for the levelling of working conditions and not for a stigmatization of Senegalese or Sub-Saharan workers.

It’s around the Friday traditional familial couscous that a long digestion of this information can begin.

The Souss plain, Agadir in the North, the gray greenhouses in the middle... Surrounded by the Oued Souss and Oued Massa rivers.

Translated with the kind support of Renda Nazzal.

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Souss tomates https://archipel.foodpath.eu/2012/06/17/souss-tomates/ https://archipel.foodpath.eu/2012/06/17/souss-tomates/#comments Sun, 17 Jun 2012 20:45:34 +0000 http://archipel.foodpath.eu/?p=528

La mer de taxis à Inezgane

Nous sommes dans le Souss, au sud du Maroc. Casablanca est à 5 heures de route au nord, Marrakech à 4 heures au nord-est. Bienvenue à Agadir ! Ville touristique avec ses plages de sable fin, ses haras royaux et ses golfs. C’est d’ailleurs ce que notre chauffeur de taxi s’empresse de nous vendre, dans un français qu’il préfère à l’arabe du fait de ses origines berbères. Il présente sa région avec une naïveté dangereuse, assurant que la région ne manque pas d’eau. Il ne pleut pourtant que 20 mm par mois en moyenne et les cours d’eau que nous traversons, en ce mois de juin, sont totalement à sec.

La ville s’étend sur plusieurs kilomètres en raison du développement économique de la région ces vingt dernières années. Sur la route de la plaine, les camions débordant de légumes (navets, betteraves, carottes) se croisent sans cesse et des murs barrent l’horizon. Tantôt apparaissent des serres, tantôt leur squelette métallique habillé de lambeaux de plastique.

Arrivée dans la plaine

Cette plaine se trouve entre deux rivières, l’Oued Souss et l’Oued Massa, le long de l’axe ancestral des caravannes qui remontaient de la Mauritanie vers le Rif et non loin du port commercial d’Agadir. Pas étonnant donc que cet endroit ait été choisi pour y faire pousser des légumes destinés à l’exportation : des capacités en eau, en transports … et en main d’œuvre. Peu chère quand elle est marocaine, et encore moins quand elle est immigrée d’Afrique de l’Ouest et en particulier du Sénégal.

Au cœur de la plaine, la ville d’Aït Amira, ville far-west construite le long de la route sur laquelle transite aussi bien les marchandises que les ouvriers agricoles (les humains sont transportés dans les mêmes conditions que les légumes, les accidents sont réguliers et souvent graves). Ville sans racine culturelle : rien de marocain dans ces quartiers sans hammam ni four à pain, qui sont culturellement constitutifs des unités de vie urbaines que représentent les quartiers.

Une rue de Sidi Bibi, village voisin d'Aït Amira
Deux fillettes dans les rues d'Aït Amira
Aït Amira

Hamid Mhandi

Nous retrouvons Hamid Mhandi, représentant syndical des travailleurs agricoles, dans un café longeant la route. Depuis la terrasse nous observons la vie de cette cité étrange. Les femmes sont rares dans les rues. À première vue, on pourrait penser qu’elles restent à la maison, comme souvent ailleurs, mais ici Hamid nous explique qu’elles sont au travail. En effet elles sont plus facilement embauchées que les hommes : elles travaillent bien, ne se plaignent jamais, ni des conditions, ni de la pénibilité ou de la rémunération de leur travail. D’ailleurs, la femme d’Hamid a trouvé du travail avant lui à leur arrivée dans la région en 2003, contrairement à la vision traditionnelle majoritaire au Maroc dans laquelle s’inscrit pleinement Hamid.

Hamid Mhandi au siège de la FNSA

Autour d’un café nouss-nouss, il nous raconte son histoire : les conditions de travail épouvantables dans les serres et comment il est en venu au syndicalisme… Avant d’approfondir les questions plus politiques, il nous emmène au siège local de son syndicat, la FNSA (Fédération Nationale du Secteur Agricole). C’est un petit logement de béton transformé en bureau, les pièces vides résonnent au son de nos voix et c’est sur des chaises de jardin que nous écoutons le regard d’Hamid sur la condition ouvrière.

Conditions et luttes ouvrières

Ici on ne parle plus de paysan, mais d’ouvrier agricole. D’ailleurs, son récit ressemble davantage aux luttes des classes dans les industries minières du Nord de la France, alors que la société marocaine est traditionnellement et implicitement organisée en castes. Ici, les ouvriers déracinés, venant des quatre coins du Maroc (et de l’Afrique), ne retrouvent pas les schémas de structuration qui leur sont familiers. Défaits de leurs repères, ils ont échangé le fonctionnement des castes par celui des classes pour recréer une vie communautaire. Ici ce sont les travailleurs pauvres contre les sociétés agricoles pour la plupart européennes et nord-américaines.

C’est donc cette lutte des classes qui permet de dépasser les clivages nationaux entre Marocains et Sénégalais pour revendiquer ensemble l’égalité et l’amélioration des conditions de travail. Au Maroc, depuis la mise en place du code du travail en 2004, le salaire minimum est de 87 Dh par jour pour 44 heures de travail par semaine. Mais le secteur agricole fait exception avec ses 60 Dh par jour pour 48 heures par semaine. En plus de ces inégalités entre travailleurs marocains, l’arrivée de travailleurs clandestins fait baisser ces salaires légaux. Aujourd’hui, les salaires peuvent descendre jusqu’à 40 Dh hors de tout contrat de travail écrit. Au lieu d’être source de xénophobie, ce constat amène les syndicats à vouloir pénétrer toutes les entreprises, et en particulier celles les moins respectueuses de la loi par l’emploi de travailleurs sans statut. Ainsi, c’est bien pour un nivellement des conditions de travail “par le haut” et non une stigmatisation des travailleurs Sénégalais que la FNSA se bat.

C’est autour du couscous familial du vendredi que peut commencer une longue digestion de toutes ces informations.

La plaine du Souss, Agadir au Nord, les serres en gris au centre... encadrée par l'Oued Souss et l'Oued Massa.
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